Ces hommes qui fabriquèrent des raisons et dévidèrent des déductions, comme on moule des tuiles et tresse des cordes ; pour lesquels discuter sur les substances et les accidents, sur les similitudes et les différences, fut un jeu d’esprit ; sophistes et rhéteurs qui s’épuisèrent en efforts et en paroles inutiles.
Tout cela n’est que superfétation * [1] vaine, contraire à la vérité, laquelle consiste dans la rétention du naturel, à l’exclusion de l’artificiel. Il ne faut pas violenter la nature, même sous prétexte de la rectifier. Que le composé reste composé, et le simple simple. Que le long reste long, et le court court.

Ceux qui ont les pieds palmés ou des doigts de trop souffrent, quand ils se meuvent, de leur déficit ou de leur excès physique. Ceux qui posent, de nos jours, pour la bonté et la justice, souffrent de voir le cours des choses, soupirent de lutter contre les passions humaines.
L’emploi du quart de cercle et de la ligne, du compas et de l’équerre, ne produit les formes régulières qu’au prix de la résection d’éléments naturels. Les liens qui les attachent, la colle qui les fixe, le vernis qui les recouvre font violence à la matière des produits de l’art. Le rythme dans les rites et dans la musique, les déclamations officielles sur la bonté et l’équité destinées à influencer le cœur des hommes, tout cela est contre nature, artificiel, pure convention.
Les artistes, en général, ont eu une idée originale au sujet de saint -Joseph. Les Bizantins, à qui on ne reprochera pas d’avoir introduit un vain humour, représentaient le Saint avec un air triste, à la naissance du Sauveur. L’enfant est couché dans la crèche. Les animaux le contemplent, étonnés de trouver à la place de la paille aride dont ils se nourrissent, une créature vivante, céleste, et d’une grâce divine. Les anges adorent le nouveau né; la mère est aussi près de lui, silencieuse; mais saint Joseph est tourné de côté et regarde obliquement, avec un air peu satisfait, la scène merveilleuse.-Johann Wolfgang von Goethe -
La nature régit le monde. Par l’effet de cette nature, les êtres courbes sont devenus tels, sans intervention du quart de cercle ; les êtres droits, sans qu’on ait employé la ligne ; les ronds et les carrés, sans le compas et l’équerre.

Tout se tient dans la nature, sans liens, sans colle, sans vernis. Tout devient, sans violence, par suite d’une sorte d’appel ou d’attraction irrésistible. Les êtres ne se rendent pas compte du pourquoi de leur devenir ; ils se développent sans savoir comment ; la norme de leur devenir et de leur développement étant intrinsèque.
Il en fut ainsi de tout temps ; il en est encore ainsi ; c’est une loi invariable. Alors pourquoi prétendre ficeler les hommes et les attacher les uns aux autres, par des liens factices de bonté et d’équité, par les rites et la musique, cordes colle et vernis des philosophes politiciens ? Pourquoi ne pas les laisser suivre leur nature ? Pourquoi vouloir leur faire oublier cette nature ?
Non, la bonté et l’équité ne sont pas des sentiments naturels ; autrement il y en aurait davantage dans le monde, lequel, depuis tantôt dix-huit siècles, n’est que lutte et bruit.L’homme n’est pas bon parce qu’il pratique la bonté et l’équité artificielles ; il est bon par l’exercice de ses facultés naturelles. Fait bon usage du goût celui qui suit ses appétits naturels. Fait bon usage de l’ouïe celui qui écoute son sens intime. Fait bon usage de la vue celui qui ne regarde que soi-même.

Du moment qu’ils ont aberré de leur rectitude naturelle, qu’ils soient réputés sans connaissance ou diplômé peu importe ....
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire